Section 2 : Quelle est la portée de l’évaluation DDG?

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Section 2 : Quelle est la portée de l’évaluation DDG?

Le cadre conceptuel

La démocratie, les droits de la personne et la gouvernance (DDG) sont les fondements de l’atteinte des objectifs de développement durable (lien). Dans la présente section, nous expliquerons ces trois concepts principaux et les facteurs qui leur sont associés. Puisant dans le corpus de recherches et d’expériences réalisées dans ce domaine par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), nous présenterons les définitions et les cadres promus par cet organisme en collaboration avec d’autres entités productrices de connaissances telles que la Freedom House, DME for Peace, le Mercy Corps, le projet Minorities at Risk de l’Université du Maryland, Polity, Collaborative Learning Projects (CDA) et Transparency International. Les sources supplémentaires proposées dans la ressource 2.3 permettront aux personnes qui le souhaitent d’approfondir leur exploration de ce sujet.

2.1 Démocratie, droits de la personne et gouvernance : définitions

Dans ce module, notre conception de la démocratie, des droits de la personne et de la gouvernance correspond aux définitions suivantes :

  • La démocratie est « une valeur universelle qui émane de la volonté librement exprimée des peuples de définir leur propre système politique, économique, social et culturel et qui repose sur leur pleine participation à tous les aspects de leur existence […] quand bien même les démocraties ont des caractéristiques communes, il n’existe pas de modèle unique de démocratie et […] la démocratie n’est pas l’apanage d’un pays ou d’une région » (Assemblée générale des Nations Unies, 2010). L’Assemblée générale a validé à maintes reprises d’autres concepts importants en lien avec la démocratie, tels le respect de la souveraineté et le droit à l’autodétermination; elle souligne que « la démocratie, le développement et le respect de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales sont interdépendants et se renforcent mutuellement » (Assemblée générale des Nations Unies, 2010).
  • Les droits de la personne regroupent les normes et principes moraux qui reconnaissent que ces droits sont universels, inaliénables et inhérents à chaque être humain, peu importe sa nationalité, son lieu de résidence, sa langue, sa religion, son origine ethnique ou tout autre statut, ce qui signifie que nous avons tous le même privilège de faire valoir ces droits sans discrimination.

Le corpus normatif international a pour fondements la Déclaration universelle des droits de  l’homme formulée par l’Assemblée générale des Nations Unies en décembre 1948, ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui font partie intégrante de la Charte internationale des droits de l’homme.

Les Nations Unies ont adopté d’autres conventions pour traiter de la situation de populations spécifiques :

    • la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale;
    • la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes;
    • la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;
    • la Convention relative aux droits de l’enfant;
    • la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles;
    • la Convention relative aux droits des personnes handicapées;
    • la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (HCDH, 2012, p. 16).

Ce corpus normatif international établit un cadre pour la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des initiatives DDG à travers le monde. À l’échelon national, cependant, il existe des différences dans le mode d’application de ces normes internationales par chaque État, selon le nombre de traités ratifiés, les normes nationales qui garantissent les droits de la personne et les politiques afférentes, ainsi que la mesure dans laquelle les programmes et interventions de l’État garantissent de façon proactive la protection des droits de la personne.

  • La gouvernance renvoie au processus décisionnel et à la mise en œuvre (ou la non-mise en œuvre) des décisions prises. Elle se réalise dans des cadres et à des niveaux variés. L’analyse de la gouvernance passe donc par l’examen des divers acteurs et structures qui interviennent dans les processus décisionnels. La bonne gouvernance se doit d’être participative, consensuelle, imputable, transparente, réactive, effective, efficace, équitable et inclusive, et de respecter la primauté du droit (ESCAP, s.d.).

Kaufman et Kray, de l’Institut de la Banque mondiale, définissent la gouvernance comme l’ensemble des traditions et des institutions par lesquelles l’autorité s’exerce. Cet ensemble comprend :

    • le processus de sélection et de remplacement des personnes qui exercent le pouvoir, dont les indicateurs sont la voix, l’imputabilité, la stabilité politique et la violence;
    • la capacité des gouvernements à formuler des politiques et à les mettre en œuvre, dont les indicateurs sont l’efficacité du gouvernement et le fardeau réglementaire;
    • le respect des citoyens et de l’État par ceux qui régissent leurs interactions, dont les indicateurs sont la primauté du droit et la corruption.

2.2 Les facteurs et intervenants essentiels pour comprendre les défis de la DDG

Sur la base des définitions et de la méthodologie élaborées par la Freedom House (2020) pour mesurer la « démocratisation » à l’échelle mondiale, voici les principales catégories au regard desquelles se fait l’évaluation des progrès et des reculs associés au changement démocratique :

  • Gouvernance démocratique nationale : le caractère démocratique et la stabilité de l’appareil gouvernemental; l’indépendance, l’efficacité et l’imputabilité des pouvoirs législatif et exécutif; la surveillance démocratique de l’armée et des services de sécurité.
  • Processus électoral : les élections nationales aux postes exécutifs et législatifs, les processus électoraux, le développement de systèmes multipartites et la participation populaire au processus électoral.
  • Société civile : la croissance, la capacité organisationnelle, la viabilité financière, et l’environnement juridique et politique des organisations non gouvernementales (ONG); le développement de syndicats libres; la participation de groupes d’intérêts à l’élaboration des politiques; la menace que font planer des groupes extrémistes antidémocratiques.
  • Indépendance des médias : la situation actuelle de la liberté de presse, y compris les lois sur la diffamation, le harcèlement des journalistes et l’indépendance éditoriale; l’émergence d’une presse privée financièrement viable; l’accès des citoyens à Internet.
  • Gouvernance démocratique locale : la décentralisation des pouvoirs; les responsabilités, l’élection et la capacité des administrations locales; la transparence et l’imputabilité des autorités locales.
  • Cadre et indépendance judiciaires : la réforme constitutionnelle, la protection des droits de la personne, la réforme du Code pénal, l’indépendance de l’appareil judiciaire, les droits des minorités ethniques, les garanties relatives à l’égalité devant la loi, le traitement des suspects et des détenus, l’observance des décisions judiciaires.
  • Corruption : les perceptions du public à l’égard de la corruption, les intérêts commerciaux des artisans de politiques, les lois sur la divulgation financière et le conflit d’intérêts, l’efficacité des mesures anticorruption.

Compte tenu de la profonde influence du type de pays et des tendances politiques sur les défis en matière de DDG, il convient d’envisager aussi un autre type de segmentation, proposé par USAID (2014, p. 8-9) et reposant sur le système politique et la trajectoire.

 1) Le système politique différencie les pays en fonction de leur régime.

  • Les démocraties consolidées sont celles qui ont mis en place les meilleures politiques et pratiques des démocraties libérales, dont celles-ci : le pouvoir du gouvernement repose sur un suffrage universel et égalitaire dans le cadre d’élections libres et justes; le pouvoir est assuré en rotation par un éventail de partis politiques différents; la société civile et les médias sont indépendants et dynamiques; la liberté d’expression est garantie; les systèmes de gouvernement national et local sont stables, démocratiques et imputables envers le public; l’appareil judiciaire est indépendant et impartial; le gouvernement, l’économie et la société sont libres de toute corruption excessive (Freedom House, 2020).
  • Les démocraties en développement comprennent celles qui émergent d’une transition politique; celles qui, bien qu’un peu mieux établies, risquent de connaître un recul ou une stagnation; et celles qui sont performantes et qui s’efforcent de consolider leurs progrès. Elles courent le risque de dégénérer en un échec démocratique et une crise politique, mais c’est souvent chez elles que l’assistance peut avoir le plus d’impact pour la consolidation de leurs gains démocratiques.
  • Les régimes hybrides forment une vaste catégorie qui englobe à la fois les régimes semi-autoritaires répressifs et les systèmes politiques offrant davantage de libertés civiles et politiques, mais où la gouvernance et les institutions démocratiques n’ont pas d’assises solides.
  • Les régimes autoritaires sont des sociétés fermées où un autocrate allié à une élite maintient un contrôle ferme sur un processus politique qui limite la participation signifiante des citoyens, et où le potentiel à court terme d’une ouverture démocratique est restreint.

2) La trajectoire segmente les pays en fonction de leurs caractéristiques prédominantes des libertés et de la concurrence politiques.

  • Le conflit et la fragilité s’observent dans tous les types de pays, mais ils émergent le plus souvent dans les démocraties hybrides ou en développement. Le conflit perturbe dramatiquement le développement et affaiblit les institutions sociales et politiques.
  • Dans bien des cas, le conflit et la fragilité restreignent et conditionnent le cheminement vers la démocratie.
  • Les transitions se caractérisent par une transformation fondamentale de l’ordre politique. La transformation profonde des institutions politiques d’un pays (et, souvent, de ses institutions sociales) nous empêche parfois de catégoriser clairement celui-ci dans un des contextes nationaux. Ce type d’environnement fluide nécessite une action rapide et une attention équilibrée aux besoins immédiats et à long terme des institutions.
  • Les pays en recul sont des démocraties hybrides ou en développement qui, après avoir progressé sur le continuum démocratique, rétrogradent lorsqu’une élite politique cherche à consolider son pouvoir et à restreindre les libertés. L’existence d’un recul dans un pays nécessite une réorientation de l’engagement stratégique et programmatique d’USAID.

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